J'ai arrêté d'être nostalgique.

J'ai arrêté de l'être au quotidien parce que cela devenait comme une cage se refermant lentement sur mes poumons, et que cette manière de vivre n'aurait su durer plus. Je l'ai été comme personne, j'en ai souffert chaque jour, chaque minute, chaque seconde de ma vie, et ce n'était pas des mots mais des larmes que mes lèvres soufflaient. Mon coeur a connu les violences les plus extrêmes, et aujourd'hui encore il a du mal à se dire que tout ça c'est enfin fini, et j'essaie de l'en convaincre, mais sa force reste supérieure à la mienne. Mes balafres se manifestent comme autant de séquelles qui me rappellent que je ne suis pas, je n'ai jamais été, je ne serai jamais quelqu'un de normal. Je ne vivais qu'à la gloire du passé, et aujourd'hui encore le futur m'effraie. Mais le présent a toqué à ma porte pour me rappeler qu'il n'était pas seulement insignifiant, que j'avais aussi de l'intérêt à lui donner avant qu'il ne me fuie à jamais. J'ai rencontré la débauche à l'aube de ma vie, et cette salope persiste à m'accompagner, mais aujourd'hui je l'ai dressée. Je l'ai soumise, j'ai rétabli le rapport de force et maintenant c'est elle qui s'exécute quand j'ai besoin d'elle. Ce qui est nouveau en moi, c'est cette liberté que j'ai construit, ma liberté par rapport à mes démons, et par rapport aux autres aussi. Oh, mes démons sont toujours là, et je ne sais pas les faire taire, mais je sais au moins ne pas les écouter. Bien sûr ils crient le plus fort possible pour m'attirer vers eux, mais qu'ils aillent se faire voir, j'ai autre chose à vivre là où je suis. Autre chose à croire.

J'écris en ce premier jour de neige de l'année ; je suis amoureuse de cette ville où je viens de m'installer, et aujourd'hui elle est plus belle que jamais. Si je pouvais la matérialiser, oh je l'épouserai cette ville. Je lui offrirai monts et merveilles parce qu'elle est presque la première à m'apporter autant de bonheur. Il est de ces endroits sur Terre ou le paradis paraît ridicule en comparaison. Ridicule. Et c'est en ce jour que j'ai choisi de retourner sur cowblog. J'y fus longtemps, et je suis heureuse que mes anciens écrits aient été effacés ; car ils portaient en eux une douleur qu'aujourd'hui je ne raviverai pour rien au monde. Si j'y reviens c'est parce que j'ai besoin de me montrer à moi-même que j'ai changé, et que ce que j'écris aujourd'hui n'a plus rien à voir avec mon ancien blog. Pour me montrer que je suis sortie de la boue, j'ai enfin levé mon menton pour arrêter de bouffer de la terre. Pour me montrer qu'aujourd'hui, je compte. Et que mes articles auront pour objet ma personne, et non plus les gens qui me font souffrir, ou plutôt pour lesquels je me fais souffrir. Pour me montrer que j'ai arrêté la dépendance à la souffrance.

J'ai du surmonter comme une putain de cure, et j'étais seule, toujours seule. Les gens qui m'entouraient m'aimaient énormément, mais malgré tous les efforts du monde, jamais ils n'auraient pu m'aider. Car mon problème était inattaquable, pour la simple raison qu'il n'avait aucune solution, car le fait est qu'il venait de moi. Dans ce cas, comment auraient-ils pu résoudre un problème dont j'étais la seule source ? Je leur en ai fait baver, car je sais qu'ils se sentaient impuissants, et pourtant toujours encore je leur demandaient de m'aider. J'étais égoïste. Même si je ne peux pas me le reprocher, je l'étais fatalement. J'ai tenté de changer, ou plutôt j'ai changé malgré moi : j'ai appris à m'en sortir seule. Ma propre carapace c'est lentement construite, et aujourd'hui je sais m'en sortir sous sa seule protection. J'ai appris à prendre du recul par rapport aux choses, et à croire en la doctrine du "Au pire on s'en fout'. C'est dangereux sans doute, mais il faut savoir prendre certains risques lorsqu'il s'agit de permettre à son coeur de battre encore, sans s'affoler. Il faut savoir le protéger. Alors je lui ai appris à s'en foutre, à se souvenir qu'il était plus important que tout. Que j'étais prête à tout pour qu'il n'aie pas à revivre ce que je lui ai fait vivre. Les larmes et le sang.

Non, je sais que maintenant je mérite mieux que ça, qu'avoir appris à garder la tête haute sera à jamais un avantage. Aujourd'hui je ne me laisse plus écraser par les évènements. J'ai plus tendance à tout envoyer chier, avec le caractère fort qui s'est construit sur les ruines d'une adolescence tabassée. Si aujourd'hui j'écris c'est parce que j'ai justement pris tant de distance par rapport à ma propre vie, que je ne sais plus où j'en suis. J'ai l'impression d'être assise sur un siège face à une pièce de théâtre qui se déroule à cent à l'heure ; d'en ressortir un plaisir immense mais passif. Je ne sais pas si je tiens vraiment les reines. Si je fais le bon choix. En fait je ne sais même pas si c'est moi qui fais les choix, ou si c'est mon âme survoltée, mon instinct qui toujours se précipite.

J'écris pour savoir qui je suis vraiment. Rien à foutre d'être lue, je veux juste pratiquer une sorte d'analyse sur moi-même. Le genre de chose que - je pense - chacun devrait faire ; et particulièrement les gens comme moi qui ne savent pas vivre sans se demander comment est-ce qu'ils vivent. J'ai cette fâcheuse habitude de vouloir toujours tout comprendre, alors je me dis qu'il serait bien que moi aussi, j'apprenne à me comprendre. Ou plutôt que je ré-apprenne, car cela fait un moment que je n'ai même plus tenté de le faire. Ainsi écrire sera ma thérapie.